Refugees
Welcome?

Science politique ● Éthique ● Stratégies de communication

#illégitimisation #contrôle migratoire #politique européenne

Édition, 24 p.


Jana Katanic

Graphiste et illustratrice
@janakatanic

Julia Van Dessel

Doctorante, aspirante FNRS

Groupe de recherche sur les Relations Ethniques, les Migrations et l’Egalité (GERME) et Centre de recherche et Etudes en Politique internationale (REPI), Faculté des Sciences sociales, ULB


« Le plus intéressant dans le projet de Recherche En Perspective c’est le contact de deux personnes qui ne sont pas du même domaine afin de créer un objet commun. Avant de pouvoir faire un objet graphique, j’ai dû lire tous les articles de recherche sur les « Campagnes de dissuasion massive » que Julia Van Dessel m’a donné pour comprendre le sujet en profondeur. Ensuite, en collaboration avec elle, nous avons réfléchi à comment rendre ce sujet facilement compréhensible, quelle forme cet objet graphique pourrait avoir, et quel langage utiliser pour vulgariser ce sujet qui touche plusieurs problématiques en même temps. C’est un projet qui se fait à deux, et c’est ce que j’ai pu apprécier le plus.  »
— Jana Katanic

L’information dirigée vers les migrant·e·s et la (dé)construction des frontières

Genèse et opérationnalisation des campagnes d’information sur la migration financées par l’Union européenne en Afrique de l’Ouest

Ce projet de thèse vise à analyser le processus d’« externalisation » des frontières de l’UE en prenant pour objet d’étude les « campagnes d’information et de sensibilisation » sur la migration financées par la Commission européenne au Niger et au Sénégal. Les campagnes d’information constituent un outil de contrôle migratoire à distance, dont le but est de prévenir les « migrant·e·s potentiel·le·s » des risques associés à la migration irrégulière afin de les dissuader au départ.

Expérimentées pour la première fois en Europe de l’Est dans les années 90, ces campagnes ont connu une popularité croissante sur le continent africain depuis la « crise migratoire » de 2015. La question de recherche qui guide l’analyse effectuée dans le cadre de cette thèse est la suivante : comment caractériser l’institutionnalisation des campagnes d’information sur la migration au sein de l’architecture de la gouvernance migratoire de l’UE et conceptualiser le mode de gouvernent que celles-ci établissent vis-à-vis de leurs populations-cibles en Afrique de l’Ouest ?

Pour tenter d’y répondre, la thèse mobilise une approche de sociologie politique de l’international, qui met l’accent sur l’étude des acteurs impliqués dans le financement et la mise en œuvre de ces campagnes, de leurs discours et de leurs pratiques. Méthodologiquement, elle se fonde sur une enquête de terrain multi-située effectuée entre Niamey, Dakar et Bruxelles, à travers laquelle des données qualitatives ont pu être récoltées par le biais d’entretiens, d’observations participantes, et de collecte documentaire.

Sur le terrain ouest-africain, ces campagnes peuvent prendre des formes diverses, entre productions médiatiques (spots tv et radio, affichage urbain, publicité sur les réseaux sociaux) et culturelles (pièces de théâtre, chansons, bandes-dessinées). Au niveau des institutions européennes, elles sont soutenues par un discours de protection des migrant·e·s contre les risques de traite et de trafic d’êtres humains, justifiant leur inscription au sein de budgets d’aide au développement. Toutefois, la thèse montre qu’elles servent en réalité un objectif de contrôle des mobilités jugées illégitimes, contribuant ainsi à naturaliser l’ordre social inégalitaire qui maintient certaines populations en état d’« immobilité involontaire » (Carling 2002).

En puisant dans la littérature postcoloniale, la thèse montre également que ces campagnes s’appuient sur une rhétorique empreinte de paternalisme, qui infantilise les migrant·e·s et fonde une responsabilité de l’UE à les protéger contre elles et eux-mêmes, selon une logique de « répression compassionnelle » (Fassin, 2010). Enfin, la thèse démontre qu’un processus fondamental d’invisibilisation de l’objectif de contrôle de ces campagnes est à l’œuvre sur le terrain, à travers la combinaison de trois stratégies de communication persuasives inspirées de l’histoire de la propagande : l’utilisation de relais communautaires locaux (peer-to-peer), la disparition progressive des références aux Etats-donateurs (unbranding), et la reformulation patriotique de la dissuasion (positive messaging).

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